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lundi 10 mai 2010

"La Fauvette", Michel Hardy.


LA FAUVETTE


Elle vole et c'est pourtant un petit fauve, d'où son nom de fauvette, qui se prononce en faisant circuler énormément d'air entre les lèvres. Elle est petite et ses yeux sont souvent tristes à force de voir le monde d'en haut, ce qui n'est pas forcément un avantage, à en croire certains corbeaux qui ne volent que sur le dos. Il est déconseillé de regarder la fauvette droit dans les yeux afin de ne pas se laisser gagner par son humanité de plume, plus rouge que la gorge de la frégate, plus tranchante encore que le bec acéré de l'aigle, plus infiniment délicate que le bleu dont le martin-pêcheur s'entoure. La parure de la fauvette est d'air et de musique d'air, impalpable et gracieuse, et ses yeux tristes se contentent de la chanter silencieusement, avec la constance perçante des vestales et des rancœurs farouches, de celles qu'on ne trouve que dans les flaques d'eau de pluie. Croiser le regard de la fauvette, c'est se retrouver trempé jusqu'aux os d'une vérité plus insupportable que celle que livrent certains miroirs à certaines heures, lorsque la lumière décroît et que le froid s'installe.

Il est des fauvettes qui se refusent à voler afin de ne pas froisser la sensibilité extrême des humains qui les fréquentent. Elles cachent alors leurs ailes dans les replis de leur pardessus à capuche, ce qui leur donne un petit air bossu et des grâces de provinciale phtisique dignes de certains personnages de Flaubert. On les reconnaît au fait qu'elles parlent comme on vole lorsque l'on sait voler, avec de brusques changements de cap et des précisions d'avion de chasse britannique. Leur conversation est un enchantement et la douceur de leur propos donne envie de leur caresser les plumes d'une main prudente, pour ne pas les ensauvager.


Je ne m'appelle pas, Michel Hardy.